UTMB 2006

Publié le par Cybernette

The North Face Ultra Trail du Mont-Blanc : ou quand 25539 «Forest Gump» sont lâchés au cœur de la Mecque de l’alpinisme.

UTMB. Quatre lettres pour une course. Une course pédestre considérée comme l’une des plus difficile d’Europe. Le défi est pourtant simple, si l’on peut dire. Il faut réaliser le tour du TMB, le célèbre sentier de Grande randonnée qui ceinture le toit de l’Europe, soit 158 km, 8500 mètres de dénivelé positif et trois pays traversés (France, Italie, Suisse) .Ce parcours, les randonneurs d’un bon niveau l’effectuent généralement en une semaine. Avec l’UTMB, les concurrents ont 44 heures. Ce qui nous fait entrer dans une autre dimension, celle de l’ «ultrafond» : un monde où il faut galoper, en parfaite osmose avec la nature, le plus longtemps possible, où terminer et pas seulement gagner la course est déjà une victoire et, enfin, où le rival des premiers cinquante kilomètres finit souvent par devenir Le compagnon de course. Une sorte de quête du Graal menée par des chevaliers sans armures mais avec des pieds rompus à toutes épreuves, qui vont vivre des aventures extraordinaires. Un peu plus, on se croirait dans la série décalée Kaamelott !


Normal, donc, aussi, que pour le commun des mortels, ces coureurs de l’extrême passent un peu pour des timbrés. Mais une chose est sûre, tous inspirent admiration et respect. Il faut, en effet, se cogner les 158 bornes non stop, effectuées par bon nombre  sans dormir. C’est donc pour la troisième année consécutive que je suis allée tenter de boucler la boucle. Il y a deux ans, le manque d’entraînement m’avait contrainte à arrêter au 44 km. L’an dernier, je me suis retrouvée hors délai à Courmayeur (72 km) à cause d’une entorse contractée 30 km plus tôt. Après une halte de quelques minutes, je me suis retrouvée scotchée sur place.

Ce troisième coup d’essai s’annonçait sous les meilleurs hospices (voir la préparation), même si plusieurs points me taraudaient. Le premier concernait les barrières horaires intermédiaires, très strictes jusqu’à Courmayeur (72 km) D’après les statistiques 2005 publiées par l’excellent «Ultrafondus Magazine », ces barrières horaires sont prévues pour que les coureurs lents puissent aller moins vite en fin de course. Ceci étant, un coureur qui prévoit de mettre 44 heures doit quant même aller deux fois plus vite au début qu’à la fin. En clair, n’étant pas un avion de chasse mais plutôt un diesel, j’allais devoir partir comme une fusée…à plein gaz ! La seconde interrogation touchait aux fameuses hallucinations qui ont frappé certains coureurs à Champex (117 km). J’avais déjà vécu le remake du «Seigneur des anneaux» sur la longue étape du Marathon des Sables 2005. Allais-je, cette fois, devoir me coltiner le genre «Gorille dans la brume» ou «Bête du Gévaudan ». Mais avant d’en arriver là, je priais pour ne pas être couverte de bouse de vache après le passage de la pente rocambolesque qui mène sur Les Chapieux (44 km).

 



La course

J’avais découpé le parcours en quatre étapes :

Chamonix-Les Chapieux (44 km)

Les Chapieux -Courmayeur (72 km)

Courmayeur -Champex-Lac (117 km)

Champex-Lac-Chamonix (158 km

 

Etape 1 : Chamonix-Les Chapieux (44 km)

Le départ est à la fois un moment grave et comique. Grave, car la pression est très forte. Certains coureurs, muets comme des carpes, paraissent tendus comme des cordes à linges. Comique, car on est tellement serré dans le sas que j’imagine déjà la scène de bousculades et les chutes qui vont suivre une fois le départ donné. Cette année, il y a du monde : 2500 participants lâchés comme des fauves. Et point de Bison Futé pour réguler le trafic. Les bouchons se forment, surtout, sur les étroits sentiers de la forêt menant aux Contamines (25 km). A chaque tronc d’arbre ou petit ruisseau bloquant le passage, il faut parfois attendre ¼ d’heure. Beaucoup craignent, par ailleurs, de mouiller leurs chaussures.L’accueil aux Contamines est digne de celle de l’arrivée du Tour de France. J’entends les spectateurs crier « allez Nathalie ». Je m’étonne d’avoir autant d’admirateurs dans ce village. En fait, J’avais oublié que mon prénom est inscrit sur mon dossard.

Il est 23 heures. Des milliers d’étoiles brillent dans le ciel. Il commence à faire froid. Il ne faut pas traîner. Ça tombe bien la belle côte qui m’attend promet de me réchauffer. Elle commence au niveau de la Chapelle de Notre Dame de la Gorge (29 km) par un chemin romain raide et droit mémorable. Inutile de déployer ses talents de planteur de bâton, le sol est bien trop dur pour qu’une pointe puisse le pénétrer. J’aurais bien fait un petit tour de majorette. Pas sûr que les deux pipelettes (deux italiens qui n’arrêtent pas de parler) qui me devancent auraient apprécié que je les embroche. D’autant que cette année, les concurrents ne sont pas toujours prudents Au moment où je tente de me faufiler comme un petit chat pour grappiller quelques places, un gaillard de 2 mètres au moins manque de m’accrocher avec ses gigantesques bâtons aux allures d’échasses. Impressionnant ! L’ascension jusqu’au au refuge de la Croix du Bonhomme à 2479 mètres d’altitude passera comme une lettre à la poste.

La descente qui suit me préoccupe d’avantage : 1000 mètres de dénivelé négatif sur 5 km dont 1 km sur un sentier creusé qui traverse des ravines, incliné à 25% et extrêmement glissant. Je m’en tire pas trop mal…jusqu’à ce qu’un coureur bien intentionné me conseille de prendre mes bâtons. Au même moment, il glisse dans la boue, atterrit dans le ruisseau et se met à rouler dans le fossé. Je pouffe de rire et me tords la cheville comme une imbécile. Je rigole un peu jaune, hantée par le spectre de l’abandon. J’ai senti un craquement. Un œuf de pigeon se met à pousser.

Il est 16h17 lorsque j’arrive au terme de cette première étape. J’ai une heure et demi d’avance par rapport à l’année dernière. Je prends le temps de me faire examiner.  Le médecin m’autorise à poursuivre. Dehors, il fait moins 5 degrés.

 

Etape 2 : Les Chapieux -Courmayeur (72 km)

La longue route de 4,5 km qui m’emmène à La Ville des glaciers (3 ou 4 fermes), soit 240 mètres plus haut, est assez agréable. S’en suit une autre montée en lacets de 4 km et 650 mètres de dénivelé, parfois un peu raviné qui débouche sur le col de la Seigne. Je manque un peu de souffle. Le soleil s’est levé et la journée s’annonce radieuse. Une belle descente parsemée de cailloux comme je les aime me tend les bras avec 40 minutes plus loin un ravitaillement bien mérité. Le temps de remplir la poche à eau, d’avaler un bouillon de soupe, un morceau de fromage et quelques raisins secs, il faut déjà repartir. La partie qui suit jusqu’au col Chécrouit me rappelle plein de souvenirs. Comme l’année dernière, je fais un bout de chemin avec un coureur. Mais cette fois, je ne m’attable pas au refuge de Maison Vieille pour savourer les excellentes pâtes du maître des lieux. Il n’est que 10h42. J’ai deux heures d’avance. Je goûte tout de même aux spécialités locales italiennes. Difficile de résister au divin chocolat chaud crémeux. L’arrivée sur Courmayeur en Italie se termine par une descente en sous-bois extrêmement poussiéreuse. Sur ce sentier très étroit en lacet, les coureurs peuvent couper. Mais à chaque passage, se dégage, alors, un nuage de poussière, digne de celui généré par un troupeau de buffles fuyant les prédateurs de la savane.

Il est 11 heure 30, l’heure de l’apéro. Il fait chaud. Les terrasses de café sont animées. Allongés sur l’herbe, des Italiens se lèvent pour me faire la «hola». Je cours m’admirer dans le rétroviseur d’une voiture. Inutile de me poudrer le nez. J’ai le visage noir de poussière et les vêtements couverts de boue. On dirait que je sors de la mine. J’ai toujours ma frontale et mon bonnet sur la tête.

L’année dernière, il n’ y avait pas un chat lorsque j’ai rejoint cette base d’accueil grand luxe (buffet, massages, douches) Aujourd’hui, c’est la ruche. Je comprends vite qu’il vaut mieux ne trop s’éterniser sinon on ne repart plus ! Un yaourt, une compote, de la crème anti-frottement sur les pieds, un coup de lingette sur le nez et c’est reparti.

 

Etape : Courmayeur -Champex-Lac (117 km)

La traversée de la ville à travers ses ruelles étroites et ses boutiques sonne comme un retour à la civilisation. On est accueilli, à l’italienne, comme des guest stars. Les chaussures couvertes de boue, je suis invitée à passer sur un tapis rouge. L’animateur me tend le micro. Je remercie mon fan club du soutien. Généralement, quand les spectateurs mettent les bouchée doubles pour vous encourager, c’est qu’il y une côte juste derrière ! A ce propos, celle qui mène au refuge Bertone, soit 5 km et 1000 mètres de dénivelé, n’est pas piquée des hannetons. Nous sommes, d’ailleurs, plusieurs coureurs à avoir croiser des chenilles qui semblaient aller plus vite que nous. Un vrai chemin de croix.

Il fait chaud mais je commence à frissonner et à manquer de souffle dans les montées. Je crains le début d’une bronchite. Après le refuge Bertone, la partie qui suit, plus roulante, me redonne le moral. Mais le temps se gâte. Il se met à pleuvoir. Au sommet du Grand Col Ferret (pas si terrible au final), c’est «Surprise Surprise» : grésil, neige fondue, brume épaisse. Je descends tête baissée vers la Fouly (102 km) sur de la purée de pois. Le chemin des Dames sans les obus. La nuit est tombée. Je ne vois plus que mes pieds. Je me dis que les fabricants de frontale devraient désormais penser à concevoir des modèles anti-brouillard. Plaisir suprême ::je suis enfin seule au milieu de nulle part. Les coureurs qui me précédaient semblent avoir rebroussé chemin. Enfin, presque seule car je commence à voir des tas de personnages bizarres dans la forêt, digne de ceux des contes de Grimm. Ils m’accompagneront jusqu’à La Fouly (102 km), dernière étape de mon périple car trop enrhumée pour poursuivre. Le bilan est plutôt positif. Je termine, lucide, le sourire aux coins des lèvres, dernière du classement (1686 sur 2539 concurrents au départ) mais classée ! Cette récompense est, en effet, attribuée aux coureurs qui atteignent les 102,2km.

Avant de partir, je m’étais dit que si j’arrivais jusqu’en Suisse, je serai contente. J’y étais sans le savoir. Que les Suisses me pardonnent, je l’ai appris en découvrant le nom de l’opérateur « Swisscom » sur mon mobile !

 

La préparation

 

1) La préparation

A chacun ses règles. En fait, il y en a deux essentielles et complémentaires. Celles du monde du running marqué par des séances de fractionnés sur piste ou côte et celles de la montagne caractérisée par de la marche rapide avec beaucoup dénivelé.

Les séances d’escalier et de montées de côtes sont deux excellents exercices pour se muscler les cuisses et faire travailler le palpitant. La randonnée en montagne permet d’apprendre à marcher en cadence, d’apprivoiser le terrain et de se frotter aux éléments.

Pour monter un col rapidement sans trop se fatiguer, il faut, en effet, trouver un rythme. A ce titre, rappelons qu’en dessous de 8km/heure, mieux vaut marcher vite que courir.

Les sentiers de montagnes n’étant pas des longs fleuves tranquilles, il faut parfois évoluer sur des pentes jonchées de gros blocs de pierre. L’affaire se corse dès lors qu’il s’agit d’une pente raide et négative. D’où l’importance d’apprendre les techniques de descente. Un col, c’est, en effet, une montée et une descente derrière. Les blessures se produisent le plus souvent lorsque l’on se crispe ou que l’on ne va pas assez vite.

En ce qui me concerne, j’ai adopté la technique du chimpanzé. Je la tiens d’Alexandra Rousset, vainqueur du Grand Raid de la Réunion 2004. Pas très gracieux comme position mais diablement efficace pour attaquer une pente glissante ou caillouteuse. Les pieds bien à plat, j’abaisse mon centre de gravité en pliant les genoux. J’incline légèrement le buste dans le sens de la pente. Les bras lâches en avant, je fixe, surtout pas mes pieds, mais le point où je veux aller. Parfois, quand cela est nécessaire, on peut s’aider de deux bâtons de randonnées en guise d’appui supplémentaires.

Renversante de beauté, la montagne peut être aussi très dangereuse. Un orage est vite arrivé. Les chutes de pierre sont fréquentes et certains sentiers si étroits qu’il faut être très vigilant. D’après une étude menée par l’excellent magazine «Ultrafondus » sur l’UTMB, les femmes ont besoin de sécurité et les hommes de maîtrise. Etant une femme, je suis assez d’accord. A deux reprises, je me suis retrouvée dans l’embarras : au cours du Grand Raid de Cro-magnon et du Défi de L’Oisans 2005.

Sur le Grand Raid de Cro-magnon, mon premier 100 km de montagne, il fallait descendre, de nuit, un sentier en enjambant des éboulis. Le sol sableux était glissant, le balisage sommaire et je ne distinguais pas le chemin. Je crois que si je n’avais pas rencontré un compagnon de route, justement du club des ultras fondus, j’aurais sorti ma couverture de survie et attendu que le jour se lève.

Sur le Défi de L’Oisans, à 2500 mètres d’altitude, le brouillard s’est posé comme une chape de plomb. Sans m’en rendre compte, alors que je suivais de très près le GR54 (grâce aux marques rouge et blanc),  j’ai légèrement dévié vers la gauche en prenant un petit sentier qui bifurquait. Je me suis retrouvée sur l’autre versant. J’étais coincée. Plutôt que de courir dans tous les sens, j’ai attendu sagement l’arrivée des serre-files, ces bénévoles qui ferment la course. L’autre caprice météorologique se produira lors de l’escalade du col de la Muzelle (2500 mètres). Ce jour là, la pente schisteuse (40% environ) était aussi glissante que la célèbre piste savonneuse des «Jeux sans frontières». C’est un euphémisme de dire que certains coureurs ne rigolaient pas.

 

2) Les courses test

 

Le Grand Raid de Cro-magnon : 102 km de Limone (Italie) au Cap D’ail et 5400 mètres de dénivelé positif à travers le parc du Mercantour. Beaucoup de pierriers mais décors sublimes.

www.cromagnon-extremerace.com

Le Tour du Beaufortain: deux fois 50 km en deux étapes, 5000 mètres de dénivelé positif. Magnifique paysages et ambiance montagnarde très conviviale. Limité à 50 personnes.

www.couriretdecouvrir.fr/courses_inscription.php?id_course=4

Le Défi de L’Oisans : 210 km en 6 jours, 12 000 mètres de dénivelé positif. Très convivial également, survolté parfois (en fonction du casting des concurrents), ce raid pédestre aura été celui qui m’aura fait diablement progresser. Vraiment très formateur. Limité à 50 personnes.

www.raidlight.com/smag

 

L’équipement

Veste Softshell Peak Performance, chaussure de trail Asics Trabuco VIII, chaussettes Kayano Asics, coupe-vent Paclite North Face, sous-vêtement Under-Gear Sidas, seconde couche Breath Thermo Mizuno, gants Windstopper Salewa, Bonnet Raidlight, corsaire Kalenji, sac à dos Endurance (15 l) avec poche à eau Raidlight, frontale Power Ship Led Lenser, guêtres raidlight

Tous ces produits m’on donné entière satisfaction. Trouver les vêtements adéquats  est toujours un casse-tête car le temps change très vite en montagne. Pour ne pas avoir froid, Il faut bien respecter le système des trois couches : un sous-vêtement thermique de préférence près du corps, une veste Soft Shell avec membrane en Windstopper et un coupe vent  en Gore-Tex Paclite en cas de pluie.

Pour mener des tests en situation réelle, les conditions climatiques cette année étaient excellentes. Les températures de la première nuit sont descendues très bas (moins 5 degrés) avec parfois du vent. La journée du samedi fut très chaude. Puis ce fut au tour de la pluie, de la neige et du brouillard de s’inviter sur le parcours.

www.ultratrailmb.com

Publié dans ULTRAFOND

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article