Everest 2009 -Marc Batard - Journal de l'expé

Publié le par Cybernette

everest.jpgEn mai 2009, le célèbre alpiniste Marc Batard revenait, après un long break, sur les pentes du Toit du monde. C’est bardée de high-tech que je suis partie couvrir l’évènement. Voici mon récit, reconstitué à partir des éléments envoyés quotidiennement sur le site de www.numerimatch.com 

 

Lhassa, 1er mai 2009

Le Toit du monde attire comme un aimant. Selon que l'on y arrive par le Népal ou le Tibet, le comité d'accueil n'est cependant pas le même. Au joyeux bordel ambiant de Katmandou, Lhassa fait figure d'enfant sage. Le ton est donné dès l'arrivée à l'aéroport. Ambiance d'enterrement. Silence de plomb. Pas de musique d'accueil. Le personnel est au garde à vous. Les employées de l'immigration jettent de temps en temps des sourires pincés lorsque le chef a le dos tourné... un quart de seconde. Les fouilles se font à la tête du client. Marc, qui s'est fait confisqué ses deux rouleaux de scotch à Katmandou, doit sortir ses livres que l'officier examine à la loupe. Moi, je passe sans problème avec mes 15 kilo de high-tech.

Dehors, la puissance de la montagne, formée de plateaux arides sablonneux hérissés, par endroit de gros blocs de pierre apporte un peu de baume au coeur. Cela dit, la route qui mène à Lhassa (1H30 environ à 40 km/h, vitesse respectée) donne parfois l'impression de traverser des villages-fantôme ravagés par une épidémie. Quelques âmes seulement dans les rues, souvent désertes, balayés par des vents de poussière.

 Durant tout notre périple, nous sommes pris en charge par la Chinese Mountain Association (CMA) qui gère les hébergements, les visites et fournit un officier de liaison, compris dans le package, pour nous accompagner jusqu'au camp de base de l'Everest (5000 mètres). En passant, le prix de la chambre de notre hôtel coûte 130 euros (3 étoiles) contre 100 euros pour le  Sheraton (4 étoiles) voisin. Mais Business is business, c'est la CMA qui décide.

 Longtemps inaccessible aus étrangers, Lhassa charrie un lot d'histoires invraisemblables et a nourri de nombreux livres. La réalité sur le terrain est très constrastée. Le beurre rance embaume toujours la ville mais la sinisation, tendance sécuritaire, va bon train.  Au niveau de de la vieille vieille, des sentinelles sont postés sur les toits. Les lampadaires abritent des caméras. Cette sensation d'être épiée à tout bout de champ est pesante. Elle gâche un peu le charme de ce village de montagne( 3600 mètres), innervé des labrinthes de ruelles étroites, rythmé par le ballet incessant des pélerins en procession, bordée d'échoppes et de magasins aux couleurs acidulées .  

 A chaque endroit stratégique, (place Jokhang, temple...) des gardes locaux, attablés autour d'un thé, assurent l'ordre. Le soir, ces derniers ne sont plus aussi sympathiques. Normal, ce sont plus les mêmes. Les tenues bleu marine très foncées ont cédé la place à des costumes kaki, les casquettes à des casques à visières, les thermos de thé à des extincteurs rouges, sans doute des bombes lacrimogènes. Des boucliers complètent l'équipement.

 Tous les soirs, à partir de 20 heures, sur l'esplanade basé au pied du Potola, ex- résidence du  Dalaï-lama et siège du gouvernement tibetain, touristes et badauds assistent au spectacle de jets d'eau et de lumières fluo, sur fond de musique patriotique ou classique. Le spectacle a été pensé par les chinois pour que les gens tourne le dos au Potola, symbole de la puissance tibétaine du XVIIème siècle. Deux militaires (sur la vidéo) somment un groupe de jeunes, assis par terre de se relever. Seul la position accroupie est autorisée.

Puis, à partir de 22 heures, les grandes manoeuvres commencent. Une première colonne composée d'une soixantaine de soldats, sortie d'une caserne, se met à courir sur l'artère principale du vieux quartier (Dekyi Shar Lam). Une seconde, un quart d'heure plus tard, déboule en sens inverse, tandis qu'une troisième surgit d'un faubourg. Toutes convergent vers la place principale afin, ensuite de quadriller la ville. Puis, deux chars, aux allures de gros scarabées, s'engoufrent dans la ruelle que nous emprunter pour rejoindre l'hôtel. Juste le temps de se pousser sur le bas côté. Et c'est ainsi, tous les jours, depuis des mois. 




Lhassa; 2 mai 2009

A ce jour, quatre expéditions sont présentes sur l'Everest, soit une trentaine. Ce qui représente beaucoup moins de monde que lors des années précédentes. Les autorités chinoises n'ont, en effet, ré-ouvert l'accès au Tibet que le 7 avril, date à partir de laquelle les expéditions commencent d'habitude leur trek d'acclimatation. Certains groupes ont dû attendre à Katmandou, jusqu'au 22 avril, pour pouvoir partir. On n'ose même pas imaginer leur niveau d'angoisse.Le fait qu'il y ait du monde conditionne les chances de succès, notamment pour faire la trace. Pour l'instant, les équipes de l'école d'escalade de la Tibet Mountain Association, organisme qui compte dans ses rangs, Mimi, celui qui a porté la flamme olympique au sommet, ont équipé la voie jusqu'au Col Nord (7000).

L'équipe de "summiter"se porte bien. Claude Faivre, bucheron jurassien et Antoine Cina, chauffagiste-pompier suisse, carburent à la viande de yak. Ils ont aussi apporté leurs lots de friandises et de douceurs locales pour les moments éprouvants qui nous attendent. Une soirée fondue avec fromage du jura, vin jaune et viande séchée du valais est d'ailleurs inscrite au programme.

Marc, de son côté, semble être sur un petit nuage. Détendu, serein, confiant. Alors que d'habitude, le personnage est si souvent dépeint comme de la nitroglycérine prête à exploser à tout moment.  Il n'avait pas remis les pieds à Katmandou depuis dix ans (c'était avec Anna Collet, la cliente la plus excentrique qu'il ait jamais eu à guider). C'est la première fois qu'il découvre à Lassa. Il accroché son antique combinaison rouge flashy des années 80 au rideau de sa chambre, rassemblé son précieux matériel fait sur mesure sur une chaise et déjà démonté le sac à dos fourni par son partenaire Millet pour le rendre le plus léger possible.   

Dehors, les gens rechignent un peu à être photographié, sauf les enfants, dont les yeux brillent de milles feux lorsqu'on leur montre leur frimousses dans la boîte. Mais à force d'arpenter les ruelles, de lancer des sourires chaleureux, l'atmosphère se détend. Comme dirait Claude, c'est comme la pêche à la carpe, il faut d'abord amorcer avant d'attraper le poisson. Sur ce point, les tibétains ne sont pas les derniers pour séduire les étrangères. Des tibétaines me font tenir leur bébé dans les bras. Notre présence semble signifier que le reste du monde ne les a pas oubliés. 



Lhassa, 3 mai 2009 


Ce samedi 2 mai est notre dernier jour à Lhassa. La matinée est consacrée à la visite du Potala, le palais du Dalai-Lama, en compagnie de notre charmante officier de liaison, De Zhen,  25 ans. Dans la voiture qui nous conduit sur le site, Marc se demande s'il ne va pas fixer la caméra Kodak sur un piolet plutôt que de la visser sur un manche. Le but vise à filmer au sommet en faisant tourner la caméra sur le manche. La question n'est pas tranchée. Il doit, tout d'abord terminer de coudre son baudrier, en fait une simple sangle sous pelvienne dorsale qu'il arrange à sa sauce et qu'il va ensuite coudre sur sa combinaison rose flashy en Gore-Tex, celle qu'Eider lui a conçue sur mesure il y a vingt ans. Marc veut être le plus léger possible. Claude et Antoine sont impressionnés. Antoine se rappelle, à ce titre, comment, dans les années 90, les compétiteurs de ski alpinisme rusaient le réglement pour porter le moins possible. "Une fois, on a vu arriver des filles avec des vêtements de poupée et des cordes à linge car le réglement ne stipulait pas que le vêtement devait être à la taille du concurrent et les cordes specifiques"., raconte-il

Que dire du Potala ? Difficile de trouver les mots pour décrire le plus monumental des édifices tibétains, haut de 13 étages, soit 118 mètres de façade. L'intérieur, dédale de caves, chapelles, couloirs, fait de bois, de cuivre, d'or, embaumé par l'odeur des bougies au beurre de yak confère effectivement au lieu une dimension magique. Devant le trône vide du Dalai-Lama, un amoncellement d'écharpe à prières et des centaines billets de banque fait office de tapis rouge. Mais la cerise sur le Cheese cake est sans conteste le tombeau du cinquième Dalai-Lama. Rien que son poids en or donne le tournis : 3721 kg. Enfin, pour clore cette épisode spirituel, Marc et moi nous disions que si le Potala incarne une sorte de paradis chaste, il devait quand même s'en passer des choses dans certains boudoirs très intimiste, meublés de canapés rikiki. de vaisselle fine et de tapis au sol. 




Shigatsé, 4 mai 2009, 3900 mètres
 

La route qui mène vers la route pour Shigatsé, deuxième ville du Tibet, est un long serpent de goudron, parsemés de trous par endroit. Bien plus confortable en tout cas que l'ancienne piste de cailloux.Tel des sphinxs, les geants himalayens ne nous quittent pas des yeux. Les paysages rocailleux alternent avec les étendues de sable fin, barrées par des ruisseaux couleur turquoise . Ambiance Tibet-plage mais pas de transat.

Pour traverser le Tibet, il faut un tas de permis. Celui en notre possession correspond à un itinéraire bien précis. Les chauffeurs roulent à 40 km/heures. Et doivent pointer au poste de contrôle à une heure précise. Quand il dépasse la vitesse et sont en avance, ils stoppent sur le bas côté pour respecter le timing. Claude en profite pour examiner les plantes locales. Pas plus nature que lui. Il connait le milieu sauvage mieux qu'un ours. D'ailleurs, son surnom est l'ours du Jura. Il mange 100 kg de confiture par an et quatre oeufs par jour ne lui font pas peur.

Shigatsé est une ville de passage. Nous la quittons demain, pour Shégar (4350 mètres) où nous devrions y séjourner deux jours pour poursuivre notre acclimatation. Marc a trouvé la vis miracle pour accrocher la caméra sur un manche. J’envoie ce texte d’un cybercafé dément. Pour y pénétrer, il faut monter au premier étage d’un hotel miteux qui sent l’urine. On tombe alors sur des jeunes qui fument clops sur clops, jouent à des jeux de baston, et regardent des films.




Shégar, 5 mai 2009, 4350 mètres


Cette nuit, Antoine a cousu une ceinture en laire de  yaks autour de son chapeau tandis que Marc et Claude sont allés visiter le bar très cosi de l'hôtel. Mais pas de folie de la part de nos trois joyeux lurons, fins prêts ce matin, pour rejoindre Shégar.

Cette bourgade, appelée aussi "new Tingri", sans charme particuliers si ce n'est le vent qui souffle en rafales, est située environ à 280 km de Shigatsé.Cette étape est assez courte mais vu que la vitesse limite est de 40 KM/heure, le voyage dure 5 heures (arrêt pipi compris). Nous rejoignons cette agglomération, en traversant les plaines Tibétaines. La route se déroule à travers de profondes et larges vallées et comprend deux passages de col, l'un à Tsolha (4300 mètres) et l'autre à  Gyatsolha (5200 mètres). Ce périple paresseux en 4X4 romp avec le rythme soutenu de l'Annapurna Mandala Trail, une course autour du sanctuaire des Annapurna, que j'ai effectuée il y a trois semaines en guise d'acclimatation. Arriver au camp de base de l'Everest en salon roulant est quand même un sacré luxe (la route va jusque là !)

Le seul défaut de cette façon de voyager est que nous commençons à avoir sérieureusement envie de nous dégourdir les jambes. Marc ne s'en est pas privé, au col du Gyatsolha. Il a filé comme Buzz l'éclair en direction d'un coup de cul (une butte) bordant la route. Antoine et Claude ont suivi également, surpris de la vivacité du personnage. A Séghar, il y a des panneaux "Internet bar" mais aucun ne fonctionne. J'ai demandé aux chauffeurs de m'emmener au village voisin, à 7 km. Demain matin, Marc nous emmène en rando dans le coin pour parfaire notre acclimatation.



Shégar, 6 mai 2009, 4350 mètres

Vu que je ne dois pas sortir ma valise Immarsat avant le camp de base (j'expliquerai les raisons plus tard), l'arrivée sur une nouvelle étape est à chaque fois une épreuve. Le "stressomètre" monte en flèche car je ne sais jamais si l'Internet va fonctionner correctement pour les photos et les vidéo surtout. Ce fut le cas hier à Seghar. Pendant que Marc, Claude et Antoine sont allés, entre mecs, se faire les mollets sur le tas de cailloux en face de l'hôtel, l'officier de liaison m'a très gentiment accompagné au village voisin pour me connecter.Je craigrais le pire, vu le niveau d'archaïsme du milieu environnant. Et pourtant, telle ne fut pas ma surprise de pouvoir envoyer 7 Mo, d'un seul coup de ce bled qui tient de la cour des miracles high-tech.

A l'entrée du cybercafé dont la porte n'est qu' un rideau en toile, un borgne et un gars à la machoire défoncée, me montrent leur téléphone mobile à clapet un peu biscornu avec grosses touches et écran coulissant XXL. Ils veulent me l'échanger contre mon Nokia. Le clou est que le combiné ne fonctionne pas. J'en déduis qu'il ont dû le ramasser dans une poubelle.

A l'intérieur, une petite salle sombre avec une quinzaine d'ordinateurs. Sur le sol, des câbles forment de beaux noeuds de spaghettis. Les yeux rivés sur l'écran, des gamers, la clop au bec, jouent à des casses-briques locaux mais aussi à des jeux plus évolués graphiquement comme les shoot'em up (baston). La scène méritait d'être décrite.

 Celle de Marc, frappant à ma porte, à son retour de ballade d'avec Claude et Antoine, une larme de sang sur le visage, la main, les coudes et les genoux égratignés comme un gamin qui s'est vautré dans la cour d'école, valait aussi son pesant de cacahuètes. Il a voulu filmé en courant, il s'est étalé de tout son long comme un patineur sur la piste d'Holiday on Ice. Je l'ai badigeonné d'éosine comme un peau-rouge et appliqué un pansement. Une belle carrière d'infirmière s'ouvre à moi. Déjà que je joue les standardistes depuis notre départ de Lhassa. J'ai, en effet, encore récupéré un gadget : un motorola w161 noir et blanc qui n'arrête pas de sonner et de m'envoyer des textos que je ne peux lire puisqu'ils sont en caractères chinois. Je dois le livrer à notre guide au Camp de base.

La ballade que nous avons effectuée ce matin sur la bosse située à 5000 mètres derrière l'hôtel fut merveilleuse. Nous avons pu voir les géants de la chaîne des 8000 : le Makalu,  le Lhotse, l'Everest  et le Cho-Oyu. Cela fait quand même cinq jours que nous fonctionnons en mode glandouille. Espérons que cette sortie va me permettre de bien dormir ce soir. Cela fait trois jours que je dors 3 heures/nuit. Marc et Antoine ont un sommeil de plomb. Claude passe des nuits comme "un mouton autour d'un méchoui"

Demain, départ pour le camp de base de l'Everest (5050 mètres). Une autre aventure commence. Celle de la vie en bivouac et la raréfaction en oxygène. A cette altitude, il n' y en a plus que 50%. 




Camp de base de l'Everest, 7 mai 2009, 5000 mètres


Il faut trois quatre heures pour rejoindre le camp de base. Nous sommes partis tôt car notre officier de liaison reprend la route pour Lhassa, avec les chauffeurs. Nous ne passons pas par Tingri, dernier village pour les tibétains qui passent le col du Nang Pa La (5700 mètres) pour rejoindre la vallée du Khumbu au Népal, mais par la piste que les autorités chinoises ont construite l'année dernière pour les JO. Mais avant, il faut passer un contrôle militaire assez strict. Nous devons descendre des 4X4 et nous présenter devant l'officier. Il vérifie les numéros de passeports et regarde scupuleusement la photo. Claude et moi commentons le lustre kitch qui fait un peu pièce rapportée dans cette casematte assez glaciale. Les ampoules sont tellement puissantes qu'elle noircissent le plafond blanc.

La piste, ceinturée de glissières en acier galvanisée, qui monte en lacet jusquà à un col à 5200 mètres, d'où l'on peut voir toute les chaînes des 8000 mètres, puis redescend et remonte légèrement pour rejoindre le camp de base. Le spectacle à 5200 mètres est un enchantement. Au loin, Ils sont là à s'offrir à nous, comme des dieux :  le Makalu,  l'Everest, le Lhotse et le Cho-Oyu.

Nous croisons au camp de base une expédition française, composée des guides français Ludovic Challéat et François Marsigny. Ils n'ont pas pu obtenir leur permis d'ascension à tant et ont donc choisi de s'acclimater dans le Khumbu et de rejoindre le Tibet par le Népal. Ils sont arrivés le 17 avril et sont allés à 7700 mètres. Ils redescendent à 4300 mètres, à Tingri, et remontrons dans trois jours.

Ludovic qui a déjà gravi le versant tibétain en 2007, nous confirme que cette voie est peu fréquentée, cette année. il y a 20 tentes au Col Nord (7000 mètres) alors qu'il y en avait 100, il y a deux ans.

De l'autre côté, en revanche, c'est l'autoroute du Sud, le 1er juillet. On dénombre 69 expédition aus moins. A lui tout seul, Russel Brice, bussinesman de la montagne, basée depuis 15 ans à Argentière, au dessus de la vallée de Chamonix et qui ne parle toujours pas un mot de français, gère 60 clients. L'Ice Fall (la cascade de glace, véritable roulette russe) ,côté népalais s'est cassé la gueule à un endroit mais n'a fait aucune victime pour l'instant

Du côté tibétain, les séracs du Nord sont, d'habitude, peu menaçants et le danger vient d'être écarté. L'expédition de Challéat nous a appris que les seuls seracs dangereux viennent de tomber en emportant 300 mètres de corde. Il faisait moins 25 degrés la nuit, il y a trois jours au col Nord.

Nous avons retrouvé Lhakpa, notre guide. Pour avoir du réseau satellite, il faut monter sur la moraine, 100 mètres plus haut. Je suis montée avec Marc pendant que Claude et Antoine se reposait. Le réseau GSM de China mobile, en revanche, fonctionne parfaitement. J'éteinds mon Nokia et ne le branche qu'en fin de journée. Je n'ai pas de panneau solaire pour le recharger mais je peux utiliser un générateur. Nous restons ici trois jours.




 

Camp de base de l'Everest, 9 mai 2009,  acclimatation à 5800 mètres




Camp de base de l'Everest, 10 mai 2009,  grosses ripailles




Camp de base intermédiaire, 11 mai 2009, 5800 mètres




Départ camp de base intermédiaire vers camp de base avancé (6400 mètres)







Camp de base avancé 13 mai 2009, 6400 mètres

 

Nous avons mis 8 heures pour atteindre ce camp. La montée sur le glacier fut  à la fois sublime et éprouvante. Des chutes de neige avec des rafales nous ont accompagnés au début du périple, puis le soleil a montré le bout de son nez, révélant la magie des lieux. Ce n’est pas un hasard si ce chemin porte le nom de miracle highway. Nous évoluons sur une bande de rocher (une moraine )qui coupe le glacier en deux. De chaque côte, ce sont des cathédrales de glace qui nous tendent les bras. Un peu plus on se croirait dans la pub carte d’or….sauf qu’ici les glaces sont à l’eau. Je termine le périple en compagnie de Antoine, chacun dans ses pensées et aussi bien content d’arriver dans ce camp, occupé par une soxantaine de tentes, en face du Col Nord de L’Everest. Nous allons stationner ici jusqu’ au 20 mai, la météo (courants d’air et chutes de neige) n étant pas bonne pour décider d’un assaut avant cette date.




Camp de base avancé, 14 mai 2009, 6400 mètres

Cette marche d'approche jusque au BCA (Advanced Baced Camped) nous a un peu secoué. Aujourd'hui, chacun chez soi dans nos tentes respectives. Claude avec ses mots croisés, Antoine et Marc sous le duvet. En ce qui me concerne, l'angoisse de la connection satellite s'est envolée. Hé oui ça marche....si on ne suit pas le mode d'emploi ! De temps en temps, je relance le Panasonic, mais en vain.

Le camp que nous occupons, posé sur le glacier nous donne une vue direct sur le Col Nord. Organisé sur trois étages, la vie y est bien plus animée qu'au camp de base. Certes, ce n'est pas l ambiance endiablée du camping des flots bleu, mais le charme serein de la haute-montagne qui d'un jour à l autre peut se briser. Des rafales de vents, des chutes de neige et c'est tout l équipement qu’ il faut réaménager. Ce matin, une équipe de Sherpas est parti à 7000 et à 7700 pour rafistoler des tentes abimées par le vent.



 

Camp de base avancé, 15 mai, 6400 mètres

 

Hier, les Sherpas ont organisé une cérémonie de bénédiction de l'expédition, inspirée des rites boudhistes. Ils ont apporté un plateau de victuailles autour de l'autel. De notre côté, nous  avons apporté piolet, chaussures, crampons et autre matériels de grimpette tandis qu'un des sherpas allumait du feu et prononçait des chants religieux. Nous avons été invité à jeter du riz comme lors d'un mariage. Ici, la mariée c'est l'expé.  Puis, les sherpas nous ont tendu un bol de tsampa pétrie avec du beure (ce plat qui constitue l'alimentation des gens du peuple est une mélange de farine et d'avoine grillée). Marc et moi en avons mangé. ca colle au palet. Ensuite les sherpa nous proposé gateau, coca et biere. Antoine, se croyant à l'arrivée d'un circuit de formule 1, a un peu trop secoué la biere et aspergé tout le monde.

 

Cette après midi, Claude et Antoine sont allés faire faire une pointe au col Nord où il dormirons cette nuit et redescendront demain. Ce matin, une expé chinoise etait sur le point d'atteindre le sommet aujourd'hui. Une autre italo-espagnole est partie ce matin.

 

Si l'Everest fait office de cerise sur la forêt noire pour tout conquérant des cimes, le sommet n'est pas toujours le but ultime. Nous avons croisé des touristes d'altitudes anglais attiré par les magnifiques 7000 du coin. De sacrés gaillard, car l'un deux a 71 printemps.

 

 Au registre des curiorosités high-tech, je commence à comprendre certaine chose. Ainsi,  les panneau solaires, c est comme la casserole de lait sur le feu, il faut toujours les surveiller, débrancher puis rebrancher le câble allume-cigare pour que le témoin de charge s'affiche de nouveau sur la BGAN (le modem satellite), lequel a tendance à disparaitre. Concernant l'Iridium, si on passe devant le panneau au moment où il se charge, l'alimentation se coupe et le téléphone s'alume ! Pourquoi ? Mystère. Je ne devrais plus trop courir pour trouver du courant. Une expe italo-espagnole, partie ce matin, pour tenter le sommet, a libéré de la place sur le générateur. Mais quand c'est pas le courant qui manque c'est la connexion Internet qui fait défaut.

 


 

Camp de base avancé, 16 mai 2009, 6400 mètres

 

Ce matin, Claude et Antoine sont redescendus de leur virée à 7050 mètres. La montée s'est assez bien passée pour Antoine et fut un peu plus éprouvante pour Claude, ce dernier maitrisant moins bien l'usage du jumard (une poignée) pour évoluer sur les cordes fixes. Faute de pratique assidue, on se fatigue vite. Bref, c'est un coup à prendre. Sur qu'à la fin du périple Claude sera à l'aise sur les cordes fixes comme un danseur étoile sur une patinoire.

 

Cela fait cinq jours que nous attendons, dans nos tentes comme les CRS dans leur bus, le jour J pour prendre d'assaut la montagne. Nos journées sont rythmées par les repas, la sieste, l'observation du paysage et par la visite aux Français quelques mètres plus bas. Bref, rien de bien excitant même si le temps passe vite par moment. Rien que de se lever, chercher sa brosse à dent, trouver de l'eau et retrourner dans la tente, il faut au moins une heure.

 

Les informations météorologiques se précisent. Les vents vont baisser à 20 km/heures  à partir du 18 mai et un radoucissement est annoncé. Le premier groupe des Français a prévu de partir le 18, pour un sommet le 21, le second le 19 pour un sommet le 22. Claude et Antoine partiront le 18 du ABC (Advanced Bases Camp), dormiront une nuit au Col Nord, puis au camp II (7700 mètres), et camp III (8300 mètre). Sous réserve que le vent s'est calmé, Marc devrait partir le 18 au soir. Vous l'aurez compris, le 18 ou les jours qui vont suivre, marque la séparation des membre du groupe. Antoine et Claude, d'un côté, Marc de l'autre, et moi  au centre pour essayer de vous tenir informée. Pour les video et photo, il faudra attendre. Quoiqu'il en soit, lorsque la transmission sera possible, vous retrouverez tous les épisodes manqués de la saga. Et je peux vous dire déjà que vous allez bien vous amuser.

 




Camp de base avancé,  17 mai 2009, 6400 mètres

 

Aujourd'hui est un jour de fête puisque j'ai enfin pu envoyer mes 71,8 Mo d'images en 1H30, par FTP. J'ai réinitialisé la BGAN et il semblerait que ça marche. Je me demande si le rechargement par panneau solaire ne fait pas boguer le modem. Quoiqu'il en soit, si de nouveaux problèmes surviennent, il est prévu que j'aille, après le retour de Marc, à 7050 mètres. Là-bas, il y a du réseau GSM.

 

Contrairement à ce que j'ai écris hier, le premier groupe de l'expé française Marsigny-Challéat est bien parti aujourd'hui, ce dimanche 17. Nous avons croisé, ce matin vers 11 h (heure népalaise) François Marsigny et sa compagne Martine, qui tentent l'ascension sans oxygène avec camps d'altitude. Puis, cet après-midi Ludovic Challéat, lequel est également parti pour une virée sans oxygène sur le même principe que François et Martine. Nos tentes sont placées de telle façon qu'aucun prétendant au sommet ne nous échappe !

 

Du côté du duo jurasso-suisse, ça siffle dans les tentes. Ce matin, Lakpa leur a fait une démonstration d'usage de bouteilles d'oxygène. Vu la taille des engins ( 60 cm et 4 KG pour les bouteilles), qu' Antoine et Claude vont devoir porter à partir de 7400 mètres, nos deux compères sont parés pour une opération Amphibie.

 

Enfin, Marc, qui déteste attendre dans les bivouacs, est en pleine forme et complètement détendu. Depuis sa sortie du placard, il voit les sherpas différemment.Ce matin, nous avons effectué une petite promenade dominicale au sein du camp, toujours en quête d'une expé dotée d'un modem satellite. Mais ça ne court pas les rues. Car ici ce sont essentiellement des petites expé commerciales et amateurs. Pour profiter de la grosse artillerie high-tech, il faut être côté Népal où pas moins de 60 expéditions sont présentes. Et franchement, nous préférons galérer sur ce versant à l'ambiance très familiale que de nous retrouver dans un parc d'attraction. Car au final, comme dirait Claude, rien ne marche ici mais on trouve toujours une solution.

 



Camp de base avancé, 6400 mètres,18 mai 2009

 

Départ vers le sommet : deuxième vague. Après Claude Faivre et Antoine Cina, c’est au tour de Jean-Marc, employé à la mairie de Monaco et de Stéphane, pilote de ligne chez Air France, de l'expédition française Marsigny-Challéat, de prendre le départ pour l'Everest.

 

Surprise du jour, l'imprévisible Marc qui devait s'éclipser demain, est parti aujourd'hui à 15 heures 09 du camp de base avancé.  Des météo contradictoires l'ont convaincu d'opter pour ce choix. Sa bête noire, ce sont le froid et le vent. Cela fait plusieurs jours qu'il scrute le ciel. Aujourd'hui, c'est un temps à faire l'Everest. Il pense que la situation ne devrait pas changer d'ici demain matin et espère arriver vers 10 heures au sommet (heure népalaise).

 

Marc va, à 57 ans, remonter sur le Toit du Monde, pour la troisième fois, et toujours sans oxygène. Pour Marc, ce dernier point est crucial. "Il serait tentant pour une personne de mon âge de recourir à l'oxygène. Ses chances d'atteindre le sommet dans de bonne conditions seraient augmentées".

Véritable boulevard de luxe, comme l'est le Mont-Blanc, l'Everest attire de plus en plus de monde et les chances de l'atteindre sont favorisées par la mise en place d'équipement divers (cordes fixes, oxygène...) "Cet excès d'équipement crée un faux sentiment de confiance, voir une attitude hypocrite vis à vis de soi-même.J'ai croisé une italienne désireuse de faire le sommet sans oxygène. Qu'a t-elle dans son sac : de l'oxygène ! Alors que l'on en trouve partout sur le chemin. Il est évident qu'elle en prendra", confie Marc. C'est un peu comme si quelqu'un venait d'entamer un régime et se baladait avec un Mars dans son sac. Sacré Marc, toujours prêt à balancer des fléchettes dès que l'occasion se présente.  

 

Si la météo se dégrade trop, Marc renoncera, c'est clair, au regard de l'équipement ultra léger qu'il porte. Par ailleurs, pour cet alpinisme de l'extrême, la montagne n'est pas qu'un terrain d'exploits, c'est aussi un monde de doute, de reculades mais aussi une terre de partage. Lui même est toujours revenu des cimes au prix de renoncement. Renoncer fait aussi partie de l'aventure. Pour ce retour à l'Everest, Marc ne jouera pas les casse-cou. D'ailleurs, sur cette expédition, une autre facette du personnage est ressortie : celle de la pédagogie. Il a su montré ses qualités physiques et morales, pointer les faiblesses de chacun de nous pour nous rendre plus fort encore, sans faux semblants. Bref, nous faire partager la montagne avec ses peurs et ses splendeurs.

 

NB : au rang des galères high-tech, nous avons découvert, une 1/2 heure avant le départ que les piles lithium, censées durer plus longtemps, s'étaient déchargées ! Puis nous ne trouvions plus le code pour déverrouiller l'accès au téléphone Iridium.

 


 

Camp de base avancé, 19 mai, 6400 mètres

 

Avant de partir, Marc m'avait confié qu'il avait autant envie de vivre que de faire le sommet. Il n'a pas fait le sommet. Parti à 15h09 ce lundi, du camp de base avancé (6400), il y est revenu à 23h55. Il m'a demandé si je dormais. Je lui ai vaguement répondu que non. Un méchant mal de tête me fusillait le cerveau. Je n'arrivais à me réchauffer les pieds durs comme du bois. Pour la première fois, la BGAN Immarsat était couverte de glace. Mais comment pouvais-je me plaindre dans mon super duvet Pyrennex ( température de confort de moins 35 degrès) et mes chaussette de Yéti Monnet (moins 60 degres) alors que Marc, muni de petites chaussures de randonnées, revenait du camp II (7700 mètres), où il devait faire moins 25.

Peu d'alpinistes sont montés avec de tels godillots jusqu'à des altitudes aussi élevés. La chaussure sera le seul point faible de son matériel, la cause de son abandon. Issu tragique. Trop con se dit-on.   

 

"Cette expédition me rappelle celle de 1988. Personne ne croyait que j'allais pouvoir  faire l'Everest sans oxygène en moins de 24 heures. Après ma réussite, tout le monde me soutenait. Aujourd'hui, le fait d'y retourner à 57 ans, n'a guère convaincu les sponsors". médite Marc.

 

C'est vrai que peu de gens ont réellement cru à ce retour, même les guides sherpa. C'est en voyant débouler le personnage au Col Nord, ce lundi à 17h15 que les esprits sur place, y compris les membres des autres expéditions, ont pu mesurer l'ampleur de ses capacités mentales et physiques. Deux heures seulement lui ont été nécessaires, sans se presser, pour atteindre les 7050 mètres alors qu'il avait prévu 3 heures. De l'ABC, Il fallait la voir avancer cette petite tâche rose accrochée à la paroi neigeuse. Un vrai lièvre.

 

"Je me suis reposé au camp 1, une heure dans la tente de Lakpa et Nigma Sherpa, pour me réchauffer les pieds. Puis je me suis mis en marche rapide. J'avais une forme extraordinaire. Mais soudain, de petites rafales de vent ont mis mon morale en doute. Sachant qu' à 7700 mètres, au camp II, aucun membre de l'équipe ne pouvait être là pour m'assister, j'ai décidé d'abandonner à 7650 mètres. Durant l'ascension entre 7050 mètres et 7650 mètres, j'ai dû passer plus d'une heure à me cogner les pieds pour me réchauffer"

 

Renoncer à cause d'un problème technique est rageant.  D'autant plus que, à part la chaussure, tout le reste de l'équipement (vêtement, sous-vêtement, frontale, gants, téléphone...) était au top.

Tout cela, je ne peux que le partager avec Marc. J'aurais été profondément meurtrie de ne pouvoir assurer la retransmission en ligne de cette aventure jusqu'au bout. Je suis parvenue à vous raconter une histoire. Pas de celle qui se termine comme un conte de fée. Car l'histoire de l'alpinisme n'en est pas un. Enfin, et c'est le point essentiel, Marc s'est prouvé à lui-même et aux autres, malgré ses  57 ans, qu' il était toujours capable de refaire l'Everest sans oxygène en moins de 24 heures. 

 

Ses capacités physiologiques exceptionnelles relèvent de l'étude de cas. Il ne s'entraîne pas, ne fait plus de haute-montagne mais demeure toujours aussi performant. Il se dit prêt à repartir en 2010, au sein d'un projet scientifique et surtout si un sponsor lui fabrique une chaussure de pointe, à la fois légère et résistantes aux températures extrêmes. C'est la moindre des choses.

 

En attendant, l'aventure n'est pas finie, Demain, Marc m'emmène au Col Nord, à 7050 mètres, encore un peu plus près des étoiles. ça fait une semaine que je végète à 6400 mètres, à manger des frites, des pâtes, des crêpes, du riz, des lentilles, il est temps de bouger un peu.

 

Concernant, Claude et Antoine, les deux inséparables se portent bien. Il devaient, ce matin, prendre le départ pour le camp II à 7700 mères.


 

 

Col Nord de l'Everest,  20 et 21 mai, 7050 mètres

 

Marc m'avait promis de m'emmener au Col Nord (7050 mètres), cette gigantesque meringue qui nous tend les bras depuis une semaine. Ce ne fut vraiment pas une promenade de santé ni pour moi ni pour Marc. Ce dernier a dû gérer la blonde de service, déjà surnommée la reine des cailloux et afflublée cette fois de championne des cordes. En clair, je suis allée au sommet mais je suis bonne pour une école de glace et de cordes fixes. Se colletiner des pentes à 55 degrés avec des ressauts à 60, sans maitrise technique est un sacré défi. J'ai écorché Marc avec mes crampons. A plusieurs reprises, il a failli me larguer dans une crevasse. En tous cas, la pente pour atteindre le Col Nord est bien plus raide que celle pour gravir l'Aconcagua.

 

 

Ce matin, vers 10h30, soit une demi-heure après notre retour au camp de base avancé, nous avons croisé le guide français Ludovic Challéat. Il redescendait du Toit du monde, qu'il a gravi sans oxygène en trois jours. Le visage souriant, plutôt en forme, il savourait son exploit. Martine, accompagnée de son ami François Marsigny, n 'a pas eu la même chance. Elle a dû renoncé à 8500 mètres pour des raisons que nous ignorons pour l'instant. Il n' y a toujours pas de Française ayant gravi l'Everest de façon naturelle (sans oxygène).. Pour ce qui est de Claude et d’Antoine, nous avons eu un contact radio hier soir. Ils se portaient bien. Ce matin, ils ont tenté le sommet mais ont dû y renoncer, pour des raisons encore inconnus. On sait qu'ils vont bien car ils sont redescendus au camp II. Et c'est l'essentiel. Beaucoup trop de gens meurent sur cette montagne dont on dit que l'on ne revient jamais. Au col Nord, en nous réveillant ce matin, nous avons découvert que nous avions dormi à côté de la tombe d'un tchèque mort le 18 mai dernier.






 

Camp de base avancé, 22 mai, 6400 mètres

 

Ce matin, vers 7 heures, Pouri, l'aide de camp et porteur d'alltitude, est parti au Col Nord, pour récupérer le matériel. Les différents camps commencent à se vider. Lors de notre séjour à 7000 mètres, nous avons squatté la tente de Nigma et Lakpa, partis au camp suivant avec Claude et Antoine. Nous y avons découvert un énorme stock de Mars et de Snickers et plein d autres choses. Nous avons organisé un diner digne d'un restaurant étoilé avec au menu soupe indienne, purée au beurre de cacahuète, brie norvégien moelleux de chez moelleux et avec du goût. Nous n'avions qu'une mini louche pour deux et n'avons trouvé les couverts que le lendemain. Mais le séjour en valait le coup. Marc a terminé le paquet de pistache au petit dejeuner.

 

Nous avons croisé devant notre tente, Stéphane, pilote chez Air-France. Plutôt en bonne forme, le sifflet toujours bien pendu, Il a atteint son objectif : 8500 mètres sans oxygène. Il était accompagné de Jean-Marc Nowak, lequel a gravi le sommet avec oxygène. Stéphane nous a appris que des funérailles ont eu lieu pour le tchèque mort au camp I d'une crise cardiaque. Le corps a été délicatement posé dans une crevasse. Certains membres de l'équipe italo-espagnole, basée juste en dessous de notre camp, souffrent de gelures graves. Cette après-midi, nous avons rendu visite aux Français, désormais rassurés d'avoir eu des nouvelles d'un de leur membres disparu depuis ce matin. Ce dernier, Jean-Pierre, a fini l'ascension seul.  Il est sain et sauf.

 

Antoine est arrivé au camp de base avancé (6400) à l'heure du déjeuner. Il va bien, bien qu'il soit fatigué. Et on le comprend. Claude, arrivé au Col Nord (7050 mètres) a atteint l'ABC à 15h30. Il a pleins d'étoiles dans les yeux.

 

NB : ceux qui font circuler la rumeur selon laquelle j'ai l'intention me marier avec un sherpa ou un aide de camp tibétain ont tord. Bien que je m'en approche, je n'ai pas encore le look de la paysanne tibétaine, la face ravalée à la suie et au beurre de yak. Surtout, j'ai fait un saut un jour dans les tentes. J'ai pris conscience que j'avais encore du chemin à faire pour accepter, sans haut le coeur, les règles de l'hygiène tibétaine. Si j'avais pu vous envoyer les odeurs, en plus des images et du son, je crois que le site de notre partenaire numerimatch.com se serait désintégré comme dans "Mission Impossible"

 

Camp de base avancé (6400 mètres), 23 mai

 

Retour de Claude et Antoine. Ils ont surgi, comme des zombies, de ce chemin rocailleux qui mène au Col Nord. La démarche lente et incertaine. Antoine est arrivé le premier vers midi. Claude, quelques heures plus tard vers 15h30.

 

Sous ses lunettes de l'armée suisse, Antoine dissimule un sourire crispé. Son teint est violacé, sa gorge complètement désséchée. Ses paroles sont à peine audibles mais les quelques mots qu'ils prononcent suffisent pour comprendre qu'il s'est passé quelque chose là-haut. "J'attendais qu'il me dise, allez viens montes. Il est redescendu, puis il m'a dit, c'est fini.On redescend". Antoine en a gros sur la patate. Nous le laissons se reposer et attendons le retour de Claude.

 

Combinaison jaune, masque de ski, visage noirci par le froid et le soleil, Claude ne peut cacher son émotion en nous voyant se précipiter pour l'accueillir. Lui non plus, n'a pas atteint le sommet. La raison de son renoncement est plus claire. A partir de 8700 mètres, il a commencé à perdre la vue, un gel de cornée sans doute. Cette nuit là, il faisait très froid. Martine Marsigny, qui tentait l'ascension sans oxygène a également dû stopper à cause du même problème. A 8500 mètres, elle est devenue complètement aveugle. Contrainte de redescendre dans le noir total,  elle a vécu, bien qu'aidée de son mari, un véritable calvaire. Sa combinaison en duvet n'est d'ailleurs plus qu'une guenille.

 

Les circonstances de l'arrêt d’Antoine sont un peu plus difficiles à avaler pour ce dernier. Seul le temps pourra effacer ce qu'il considère comme une certaine injustice. Même si en l'état actuel des choses, il est trop tôt pour tirer des conclusions hâtives. Son sherpa, Nigma, a atteint le sommet tandis qu'il attendait à 8800 mètres, soit à 48 mètres du but, que ce dernier lui fasse signe de monter. Le sherpa a t-il estimé qu'Antoine ne pouvait pas aller plus loin ? Soit, dans ce cas, il n'aurait pas dû aller au sommet seul, ce qui' il a fait, sans doute pour se faire une carte de visite. Ce point pose la question de la formation des guides.

 

Quoiqu'il en soit, sommet ou pas, la montagne a permis à Antoine et Claude de mobiliser toutes leurs ressources mentales et physiques pour atteindre un idéal improbable et se révéler à eux-mêmes. Claude qui voulait s'offrir l'Everest pour ses cinquante ans, a prévu, à son retour, de commander un gros gâteau d'anniversaire en forme de montagne, amputé d'un bout de sommet. Claude, de son côté, a encore besoin d'un peu de temps pour digérer la redescente.



 

Retour camp de base/ Katmandou, 24 et 25 mai

 

La route qui mène du camp de base (5000 mètres) à la ville frontière entre le Népal et le Tibet est longue, très longue. Il faut compter 9 heures, 9 heures de piste chaotique pour l'essentiel à travers le désert des plaines tibétaines. A part deux tentes, un 4X4, un cheval sauvage, une paire de lapins bien gras, pas une âme sur plusieurs centaines de kilomètres.  Le parcours est agrémenté par de très rares portions de bitumes. Dès qu'ils en ont l'occasion, les chauffeurs préfèrent emprunter les raccourcis. Pour peu que l'on somnole contre la fenêtre, le réveil est fracassant. Ajouté aux 8 heures de descente dans la caillasse depuis le camp de base avancé, la journée du 24 fut plus que chargée.

 

La halte à Tingri, ville-carrefour pour nomades et commerçants, est appréciée ainsi que le diner servi dans le noir. Vallait mieux pas être trop regardant. Claude s'est régalé avec les pattes de poulet bouillis. Marc a trouvé les frites un peu grasses mais je me demande comment il a pu avaler les oignons frits baignant dans l'huile. En tous cas, je ne pouvais que constater l'effet bénéfique de la baisse d'altitude sur l'appétit du trio. La suite des évènements nous emmène dans un hôtel de passage aux murs insonorisés avec des coquilles de cacahuètes, rythmés par des écoulements continus, des portes qui claquent. Rien que l'installation électrique de la salle de bain de ma chambre aurait pu faire sauter tout le bâtiment.

 

Ensuite, nous ne fûmes pas au bout de nos surprises puisque la circulation des véhicules ayant été limitée au passage de la frontière pour des raisons sanitaires, nous avons dû rassembler les bagages dans un camion puis descendre au poste de douane par un raccourci à travers champs. Ensuite, nous avons flâné au sein du Duty Free tibétain.

 

 



 

 

 

 

 

 

 

 






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E
During Everest three pass trek with Island Peak Climbing, you will get to experience everything in this package from rich culture to high Himalayan mountains.
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